sousentendu

Si j'ai toujours raison tu sais, j'ai pas toute ma raison.

Samedi 30 octobre 2010 à 14:50

Depuis hier, je n'ai plus de porte. J'ai tout muré avec mon scotch pour que rien ne passe dans les interstices. Ni air, ni insectes, ni rien.

Il fait bien chaud dans mes couvertures et une fois encore, j'ai dormi tout habillé pour fuir ces cafards inquisiteurs qui s'invitent chez moi comme mille SDF autour des radiateurs de la gare. J'étais en train de rêver de toi quand on a frappé quatre coups à ma porte. Je n'ai pas ouvert les yeux. Je n'ai pas bougé d'un cil. Je ne réponds jamais à l'interphone et je fais toujours semblant de ne pas être là lorsqu'on frappe à ma porte, mais j'ai fini par me lever en constatant l'insistance de cette chose qui s'acharnait à me faire mettre debout. Je découvre ma porte en arrachant tout, pensant que c'était la proprio qui venait me parler de l'invasion de la veille et qui je vois... Yannick et une nouvelle copine à lui, tout sourire. Je me frotte les yeux, me retenant de les maudire et les salue en baillant. Ce sont deux témoins de Jehovah qui viennent régulièrement me parler de la naissance du monde. Je le laisse débiter ses conneries pendant une vingtaine de minutes en terminant ma nuit contre le linteau de la porte, hochant parfois la tête pour faire semblant de l'écouter, par politesse. Il me lit des passages de son bouquin que j'ai lu la semaine dernière sur mes toilettes et me parle de l'illustration qui trône à côté de son texte, essayant de se rendre famillier en utilisant ma passion pour le graphisme et surtout les robots. Ce qu'il n'arrive pas à comprendre, c'est que j'en ai strictement rien à foutre de son avis là dessus. Aussi, j'attends qu'il termine son laïus et jette un coup d'oeil au couloir que je vois vide. J'entends ce black parler, mais je ne peux plus l'écouter. Sa voix pourtant douce, n'est plus qu'un ronronnement lointain. Je revois tous ces insectes grouillant au sol et aux murs hier soir. Je me revois en train de faire disparaitre ma porte à la hâte et d'appeler ma génitrice pour lui faire savoir que j'ai l'intention de déménager. Ce matin, le couloir est vide comme s'il ne s'était rien passé. Je ne comprends pas.

J'ai remarqué que ces insectes sortaient souvent plus la nuit que la journée, mais de là à n'en voir aucun alors qu'hier, on ne pouvait poser le pied par terre sans en écraser deux ou trois, ça me laisse muet de perplexité. Où ont ils pu se cacher? Pas chez moi en tout cas, ça c'est certain. Du coup je ne sais plus vraiment quoi faire. Est ce que je dois déménager comme je l'avais prévu quelques paires d'heures plus tôt? Est ce que je dois rester, sachant que je sais désormais comment me protéger de ces monstres?

J'habite sur la colline silencieuse de Roubaix où l'Enfer se réveille lorsque la nuit tombe. Par chance, aucun de ces monstres n'a de lame pour fracasser ma porte et murer mon appartement suffit à les retenir à l'extérieur. Mais jusqu'à quand? Vivre emmuré a quelque chose d'extrêmement rassurant que je n'avais jamais testé jusqu'ici. C'est cette impression de ne pouvoir être dérangé par rien, que ce soit vivant ou viral, insectaire ou sectaire. Ne pas laisser entrer les cafards. Ne pas laisser entrer les témoins. C'est ce que je prononçais dans ma tête lorsque Yannick attendait la réponse d'une question que je n'avais pas écouté. Poliment je lui ai demandé de répéter. En fait, il me tendait les horaires de leurs réunions et me demandait si je pouvais les rejoindre à la prochaine. J'ai pris le papier en lui affirmant que je n'avais pas l'intention de venir, et lui ai souhaité une bonne journée.

J'attends quelques jours avant de me décider à partir. Parce que j'aime profondément cet appartement, les couleurs que j'ai mis sur les murs, la disposition des meubles et cette minuscule salle de bain dans laquelle j'étouffe lorsque la porte est fermée. Démménager, c'est des coups de téléphone, de la paperasse, des visites, du temps... c'est tout ce que je déteste. Je me donne quelques jours avant de me décider.

http://sousentendu.cowblog.fr/images/silenthillbig.jpg
Même si la vermine disparait, je pense continuer à tout murer tous les jours, parce que j'ai tellement bien dormi dans cet appartement sans porte. J'étais apaisé, comme lorsque l'on dort dans les bras d'un pachyderme ivre. J'étais protégé.

Par ciel-phantomhive le Dimanche 31 octobre 2010 à 9:25
en mon sens, oui.
Par http://www.pinsaguelbc.fr le Vendredi 1er juillet 2016 à 3:51
Ca ne l'a pas empêché de presque arracher mon slip.
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://sousentendu.cowblog.fr/trackback/3054064

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast