sousentendu

Si j'ai toujours raison tu sais, j'ai pas toute ma raison.

Jeudi 16 décembre 2010 à 16:58

Il y a six ans, j'avais une panne dans le désert du cendrier. Quelque chose s'était cassé dans mon moteur. Et comme je n'avais avec moi ni mécanicien, ni passagers, je me préparai à essayer de réussir, tout seul, une réparation difficile. C'était pour moi une question de vie ou de mort. J'avais à peine de bière à boire pour huit jours.
Le premier soir je me suis donc endormi sur le sol à mille milles de toutes les terres habitées. J'étais plus isolé qu'un naufragé sur un radeau au milieu de l'océan. Alors vous imaginez ma surprise, à la tombée du jour, quand une drôle de voix m'a réveillé. Elle disait:


- S'il te plaît... dessine-moi la mort!

J'ai sauté sur mes pieds comme si j'avais été frappé par la foudre. J'ai bien frotté les yeux. J'ai bien regardé. Et j'ai vu un petit bonhomme tout à fait extraordinaire qui me considérait gravement.
Mais mon dessin, bien sûr, est beaucoup moins ravissant que le modèle. Ce n'est pas ma faute. J'avais été découragé dans ma carrière de peintre par les grandes personnes, à l'âge de six ans, et je n'avais rien appris à dessiner, sauf les visages fermés et les ventres ouverts.

Je regardai donc cette apparition avec des yeux tout ronds d'étonnement. N'oubliez pas que je me trouvais à mille milles de toutes les régions habitées. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur. Il avait l'apparence d'un enfant perdu au milieu du désert, à mille milles de toute région habitée. Quand je réussis enfin à parler, je lui dis:


- Mais... qu'est-ce que tu fais, là?

Et il me répéta alors, un peu plus fort, comme une chose très sérieuse:


- S'il te plaît... dessine-moi la mort!

Quand le mystère est trop impressionnant, on n'ose pas désobéir. Aussi absurde que cela me semblât à mille milles de tous les endroits
habités et en danger de mort, je pris de sa main une craie. Mais je me rappelai alors que j'avais surtout étudié la géographie, l'histoire, le calcul et la grammaire et je dis au petit bonhomme (avec un peu de mauvaise humeur) que je n'avais pas envie de dessiner. Il me répondit :


-Ça ne fait rien. Dessine-moi la mort.

Comme je n'avais jamais dessiné la mort je refis, pour lui, l'un des deux seuls dessins dont j'étais capable. Celui d'un crâne fermé. Et je fus stupéfait d'entendre le petit bonhomme me répondre:

-Non! Non! Je ne veux pas d'un crâne ou d'un squelette. Un squelette c'est ridicule, et un crâne c'est du déjà vu. Chez moi tout est perdu. J'ai besoin de la mort. Dessine-moi la mort.

Alors j'ai dessiné.

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Par victoria secret uk le Vendredi 1er juillet 2016 à 3:22
Il y a six ans, j'avais une panne dans le désert du cendrier.
 

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