sousentendu

Si j'ai toujours raison tu sais, j'ai pas toute ma raison.

Mardi 20 juillet 2010 à 20:18

J'essaie d'écouter Sunday Morning de Velvet underground, mais le volume est bas et le téléphone me crie dans les oreilles. Quand je décroche, les Urgences se présentent et m'annoncent l'arrivée d'une hospitalisation d'office. Une hospitalisation d'office c'est assez rare, et ça veut dire que la personne est potentiellement dangereuse, qu'elle va arriver accompagnée de la police (parfois des pompiers) et que c'est le préfet de la région lui même qui a signé les papiers. J'ai de la chance, l'hôpital est plein et plus aucune place n'est disponible. J'ai de la chance, je suis seul au bureau et mes collègues du bureau des entrées ont quitté leur poste une bonne demie heure plus tôt.

La chaleur est si forte à l'extérieur, que même la climatisation ne parvient pas à rafraichir l'air comme je le voudrais, ce qui me met les nerfs à fleur de peau. Je sens le sang battre dans mes tempes et respire profondément afin d'évacuer le stress pré-rage, ma voix au téléphone doit rester agréable et accueillante. C'est assez compliqué. Aujourd'hui, je porte ma marinière à 40 euros (Petit bateau) et mes sous-vêtements tous neufs qui sentent encore le plastique. J'aime porter les vêtements neufs, ça me donne presque l'impression d'être un mannequin de plastique comme ceux qu'on trouve dans les vitrines, en moins bien foutu.

Hier, la dentiste ne m'a pas félicité. Ce matin, le médecin généraliste non plus. Dans un sourire limite vicieux, je me demande comment tout cela va terminer. Vais-je devoir ingurgiter un grand bol d'hormones tous les matins, avec une ligne d'antidépresseur et une bonne claque pour me donner du courage? Bonne question, pourquoi pas.Vers 18h30, je me lève enfin et arrache mes racines pour quitter mon siège à roulettes et remplir l'arrosoir de la cuisine. C'est la seule chose qui m'amuse en ce moment, m'occuper des plantes. Lorsque je suis arrivé, leurs feuilles étaient jaunes et brunes. C'était pitoyable. Je remplis donc l'arrosoir et entreprend d'abreuver chaque plante du bureau. Il y en a vingt et une en tout, dont deux arbres. Je ramasse les feuilles mortes sur le carrelage et les mets à la corbeille, puis essuie la poussière sur les feuilles les plus imposantes à l'aide d'un mouchoir.

En allant poser ma tasse de café dans le micro-onde, ma maîtresse me trotte dans la tête. Elle dit qu'elle m'aime et me veut pour elle seule... Moi ça me fatigue. Mon rôle n'est pas celui d'un jouet qu'on prend et qu'on jette aussi facilement qu'elle l'a fait il y a quelques mois. Sans parler de sa jalousie maladive qui m'étouffe déjà alors qu'elle n'a pas commencé depuis une heure. En fait, si je ne m'étais pas expliqué avec elle, elle ne serait pas revenue à la charge. Je regrette un peu. Beaucoup même.
Les vacances arrivent bientôt, et je voudrais déjà y être. Penser à la mer m'apaise. L'illusion d'iodes dans mes soupires me conforte dans l'idée que l'océan va m'accueillir bras ouverts et langues salées. Je me vois courir vers elle, et pousser un grand cri d'agonie en l'attaquant par poignées de sables que je lance en sa direction. Je tombe en arrière et laisse mon corps se couvrir de sable à cause du vent qui le ramène sur moi, puis je m'étouffe, et finis par mourir à cause de la quantité des grains dans mes poumons et dans ma bouche. Il croustille entre mes dents. Il recouvre mes cheveux blonds et raides, mes cicatrices, mes doutes et ma bonne volonté. J'ai juste envie de pleurer. Pour l'amour du roi, j'aurais déclaré la guerre, mais plus les jours passent et plus je me dis que c'est vain. Mon jeu est remplit de mauvaises cartes. Mes pions ont été avalés par la reine adverse. Ma machine à sous est vide.

L'hospitalisation d'office est arrivée il y a une bonne heure, et j'ai eu l'occasion d'écouter Sunday Morning une bonne vingtaine de fois jusqu'à maintenant. J'ai mal à la gorge, je me sens au bord des larmes, et je ne parviens plus à avaler ma salive. J'ai très envie d'une cigarette. En revenant à mon poste, je me sens secoué d'une frénésie meurtrière. Le comble: J'occupe le poste de standardiste dans un hôpital psychiatrique, et viens de faire l'admission d'un homme violent (d'après l'ambulancier qui l'a emmené directement dans le service avant de me confier les papiers administratifs, ce qui est relativement rare). L'espace d'un instant, je fixe la perforeuse et ferme les yeux pour voir défiler devant mes paupières roses de lumières, une série de plantes aux feuilles couvertes de trous. Mais ces plantes ne m'appartiennent pas, et ma paye est plus importante que n'importe quel hobbie. Je me résigne donc, et plonge la main dans mon sac pour attraper ma balle en caoutchouc que j'ai retrouvé dans le jardin. Elle est rose, verte et jaune, et rebondit parfaitement droit lorsque je la lance à la vertical, ce qui est relativement agréable. Le bruit qu'elle fait rappelle celui qu'une main fermée qui frappe à la porte, mais je peux choisir le rythme et la fréquence.

Je suis fatigué. Le feu que je tente d'allumer ne prend pas, bien que les braises s'éparpillent autour du foyer sans mon accord, j'ai l'impression de ne rien pouvoir faire. Habituellement, je suis très débrouillard. Je trouve une solution adéquate et accessible à chaque problème, je défais les nœuds de fils invisibles et conclue les combats sans même sortir les armes. Cette fois... cette fois c'est différent. Je n'arrive pas à m'imposer. Je ne trouve pas de solution, et je sais que je me trompe. Je fonce droit dans le mur avec sur le nez, une paire de jumelles qui m'indique que ce dernier est recouvert de pics et de lances empoisonnées. Je le sais et pourtant, je ne m'arrête pas.

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