sousentendu

Si j'ai toujours raison tu sais, j'ai pas toute ma raison.

Samedi 27 mars 2010 à 20:49

Une bonne claque et ça repart... c'est souvent comme ça dans mon morne quotidien roubaisien. Hier encore j'ai passé tout mon crédit à appeler 23 agences pour avoir un stage que je n'ai pas obtenu. Hier encore je me voyais la face explosée sur le trottoir sous ma fenêtre, tous mes soucis envolés dans un magnifique et ultime plongeon, parce que personne n'a de travail pour moi dans cette région.

Mais me voilà embauché à Paris, au milieu de jeunes femmes plus jolies les unes que les autres, à dessiner et dessiner et dessiner jusqu'à ne plus avoir de main, des illustrations qui seront vues par des tas de gens. Des filles et du dessin, c'est tout ce dont j'avais besoin. De la beauté à améliorer à coups de toshop pour les rendres parfaites, forger des pin ups tatouées et les transformer en Vénus. Et puis concevoir cette pochette d'album musical et l'identité visuelle de ce groupe que je ne connaissais pas mais que bientôt tout les cheveulus connaîtront, eux.

Je ne pensais sérieusement pas qu'une telle aubaine puisse me tomber sur le coin du nez comme le crochet droit d'un boxeur insensible... mais qui sait, mon avenir professionnel commencerait-il à se profiler malgré mon jeune âge et ma peur d'entrer dans la vie active? Peut-être... et ça me fait un peu flipper ma race. Merci papa d'avoir glissé dans mon sac une grosse boite de calmants... parce que sans ça je n'aurais pas rendu mes travaux en temps et en heure, et surtout, je n'aurais pas trouvé ce miracle de stage.

Le seul problème reste le logement. En effet, on m'offre la possibilité de travailler chez moi. Travailler chez moi... veut dire ne plus sortir du tout... ne plus voir personne... un peu comme chaque weekend alors que j'attends le lundi matin avec impatience pour me mélanger au monde extérieur et penser à autre chose qu'aux 4 murs qui m'enferment lorsque le verrou est tourné. L'appartement de Lucie a été rendu, c'était la seule solution que j'avais pour dormir là bas et me rapprocher de l'agence... Moisi. Tout ce que je veux, c'est un endroit fermé où dormir, pour être protégé de la pluie et des voleurs. Je dormirais par terre s'il le faut.

Il me semble qu'un hébergement soit plus difficile encore à trouver qu'un stage. Les auberges de jeunesse sont à 20 euros la nuit (outch!) et je n'ai pas énormément de moyens en ce moment... que faire dans ces cas là... bonne question... j'en sais foutrement rien.

Mardi 16 mars 2010 à 22:46

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Photo: Sousentendu.

Jeudi 11 mars 2010 à 20:23

Je marche sur les rails et je trompe la mort en frôlant le train corail qui me rate encore. Je n'ai pas trop le moral, il y a du soleil dehors.
Je marche sur les rails et je porte encore à même le corps ton vieux chandail qui me gratte à mort. Je n'ai pas trop le moral... il y a du soleil dehors qui me réchauffe le corps.

 

… alors les bruits de la ville déferlèrent en gigantesques vagues pour s'insinuer dans chaque ruelle sinueuse de mes deux hémisphères, plongeant mes neurones gratte-crâne dans un chaos humain irradiant la puanteur dégueulasse de liens et tissus sociaux. Mais non! Le moment n'est pas encore venu. Chaque chose en son temps, et si le cadran numérique ne me trompe pas, mon réveil va sonner dans 2 minutes et 25 secondes, ce qui me laisse le temps de me présenter.

Une valise sous chaque oeil, un sourire absent et trois poils au menton... appelez moi Hans. Quand j'étais petit, je ne voulais pas être astronaute. Je ne voulais pas non plus être président ni roi du monde, ni footballeur, ni vendeur dans un magasin de chaussures. Ma vocation m'est venue un matin il y a une sacrée paire d'années. Tap tap tap, c'était le bruit de mes petits pieds nus sur le parquet qui séparait ma chambre du salon. Comme d'habitude, je m'étais levé avant mes parents (fils unique à l'époque) et attiré par la télé comme un moustique par mon petit bras pottelé un soir d'été, j'avais vite zappé jusqu'à tomber sur une brillante émission sur les peintres du 19ème. Les yeux comme des balles envoyées sur l'écran du poste, j'avais trouvé ma vocation. Plus tard, je voulais voyager entre Londres et Paris à la recherche d'inspiration et vivre d'amour, d'eau fraîche et de pigments en vendant quelques toiles contre quelques francs... en tout cas j'en avais l'espoir.

7.30 a.m. Le son d'une harpe électronique me tire de mon sommeil avec difficultés. Dans un résidu de forces physiques, j'attrape mon téléphone et le repousse à quelques minutes, jusqu'à ce qu'il sonne à nouveau... et que je repousse encore... ainsi de suite, pendant presque une heure. Quand j'émerge enfin de la montagne de couvertures qui me recouvre comme les Alpes recouvrent les sources, je réveille Janis fraîche comme une perle de rosée pour l'écouter chanter son disque que je connais par coeur, allume la cafetière, pisse et épuise mon vieux rasoir rouillé sur mes joues sèches et engourdies, comme mes doigts et mes orteils, qui mettent plus de temps que moi à se réveiller.
La première gorgée de café est une bénédiction pour mon palais délicat. Mes papilles frissonnent sous son arôme bon marché et il est déjà l'heure de partir... depuis dix minutes.

Un bâton sur mon calendrier, mon sac sur mon épaule et ma clé à la main, je quitte enfin ma caverne en oubliant d'éteindre lumières et radiateurs, comme toujours. Je me demande parfois pourquoi chaque matin et chaque soir j'inspecte ma boite aux lettres vide. Elle a été, est et restera toujours aérocéphale, il me semble diagnostiquer la congénitalité de son handicap. Mais ce n'est pas de sa faute si je n'ai jamais de courrier, après tout quand on n'a de lien avec personne, la seule chose qu'on peut attendre est la lettre de rappel des impôts... que je ne vois jamais non plus ceci dit.
En avant la musique, et il faut se dépêcher... les dix minutes ne sont plus seules. Alors, quand j'ouvre la porte, les bruits de la ville déferlent en gigantesques vagues pour s'insinuer dans chaque ruelle sinueuse de mes deux hémisphères, plongeant mes neurones gratte-boîte dans un chaos humain irradiant la puanteur dégueulasse de liens et tissus sociaux. Je sais que la journée sera longue et pénible rien qu'en y pensant. Les rumeurs, les silences et les regards en biais, belle conception de la monotonie du quotidien. Un grand film Français abrite une citation extraordinaire qui je pense, a rassuré plus d'un. Elle disait « Quand elle était petite, elle ne devait pas souvent jouer avec les autres enfants... peut-être même jamais ». Bien sur ce n'est que fictif, mais l'auteur n'a rien inventé, ce qui prouve qu'il y a d'autres cas aussi désespéré que le mien sur cette planète.

Quand j'étais petit, je me disais que plus tard, j'aurais un ami avec qui faire les 400 coups. Ma grand-mère ne cessait de me raconter ses folles escapades avec son amie, ma mère avait les mêmes mots à la bouche, comme tous les autres adultes. Je me disais que quand je serais adulte, moi aussi j'aurai des choses à raconter à mon enfant pour le faire rire, des anecdotes farfelues et des souvenirs tendres. J'étais vraiment impatient.

Dans mon cas, le temps n'a rien changé. Si j'ai un enfant un jour -pour en avoir un, il faut être deux-, je n'aurai rien à lui raconter. Est ce que j'inventerai pour satisfaire son imagination? Il est vrai que j'ai un don particulier pour le mensonge, l'omission, la procrastination. La perte des rêves d'enfant fut pour moi une épreuve terrible doublée d'une forte dépression atmosphérique, entraînant vices et repli, donnant naissance à une solitude nourrie du manque de confiance accumulé en secret dans un inconscient fertile et vif.

Parfois, je me demande si ce n'est pas une punition pour avoir fais quelque chose de mal. Un acte divin pour me rappeler une erreur commise dans le passé. Je ne cache pas que j'aime être seul. J'aime cette image de garçon austère, nonchalant et attentif qui impose le respect par son silence. Je me souviens qu'au lycée, je jouissais pendant les pauses quand on venait me demander une cigarette, tout tremblant de peur que j'agresse. Mais je crois que c'est cette image que les gens ont de moi qui m'a perdu. La solitude est mortelle lorsqu'elle est imposée.

Sorti de la bouche du métro, je quitte enfin le nuage suffocant qui sent la pisse, la vraie, au profit de quelques routes à traverser. Si on me reproche de ne jamais sourire, c'est parce qu'on ne m'a jamais vu le matin à cet endroit précis de la ville où les conducteurs ne s'arrêtent jamais pour laisser passer les piétons. A dix mètres de la chaussée, je pousse le volume de la musique dans mon casque pour couvrir les rumeurs des moteurs, et baisse la tête pour cacher mon chemin avec la visière de ma casquette. En quittant le trottoir sans regarder autre chose que le feutre noir de mon couvre chef, je joue alors au matador audacieux en m'élançant sur le bitume, conscient que chaque pas que je fais pourrait bien être le dernier. Pourquoi s'éteindre soi-même lorsque le travail peut être fait par un autre, par surprise, et sans regret. Heureusement -ou pas-, aucune voiture ne me fonce dessus et tout l'espoir que je mets dans cet instant unique et court s'effondre lorsque mon pied atteint l'autre rive. « Tant pis ». « Ce matin, n'était pas LE matin ». « Demain sera le bon ». Voilà ce que je répète comme le refrain d'une chanson pour débuter comme il faut, la journée du champion. Parce qu'il faut être champion pour supporter tout ce que je supporte au centre de mes petits camarades aux yeux desquels je n'existe pas.

Le Génie de la création m'a dit hier, que pour bien travailler, il fallait laisser de côté les accidents et les souffrances extérieurs. Je crois que j'en suis incapable pour le moment, et ça je sais que c'est entièrement mérité. Outre mon rôle de fantôme dans le quotidien de mes contemporains, j'ai eu le malheur de m'attacher la mauvaise personne, au mauvais moment, par de mauvais moyens. Ma volonté de fer n'a pas suffit à sauver les meubles, ni ma patience légendaire, ni mes efforts secrets, et mes pensées chroniques, mes bouffées étouffantes d'inquiétude, mon temps libre sacrifié et les opportunités que je n'ai pas saisi simplement pour ne rien perdre. Je ne regrette rien, mais parfois je me demande si notre relation avait un quelconque sens pour lui.

Je me sens comme un jouet de Noël oublié entre une chaussette et une moumoute de poussière sous un lit, et quand je tente de revenir dans la zone éclairée et balayée, on me repousse avec le pied parce que j'encombre. Je sais que j'ai été remplacé aux fêtes suivantes et que ses nouveaux jouets sont beaucoup plus intéressants.

Coincé derrière le coffre et le mur et couvert de poussière, je n'ai plus mon mot à dire.

Mercredi 3 mars 2010 à 22:59

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